Quatrièmes Journées d'études patrimoniales

"Patrimoine oubliés. Patrimoines en péril. Patrimoines sauvés".

L’originalité de ce séminaire tient d’abord au fait qu’il réunit étudiants et enseignants-chercheurs dans une logique d’échange de la parole, des idées et des thèmes. Pour les étudiants, c’est l’aboutissement d’un programme de cours, d’ateliers, de visites de terrain, de recherches et d’événements (comme le Salon international du patrimoine culturel) sous la forme d’une restitution qui permet un partage collectif entre les étudiants du master DYCLAM+, et ceux du master Histoire-Civilisation-Patrimoine (parcours Métis/Macland), incluant les élèves de l’ENTPE.

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L’originalité de ce séminaire vient aussi de son sujet novateur qui se présente comme en décalage par rapport au discours dominant sur les bienfaits de l’agir patrimonial pour les sociétés et les territoires, et du consensus qu’il est censé engendrer et conforter naturellement. En effet, ces Quatrièmes Journées d’études patrimoniales traitent des Patrimoines oubliés, des Patrimoines en péril, des patrimoines sauvés et de la manière dont réagissent les collectivités publiques et les institutions internationales, comme l’Union européenne ou l’UNESCO.

Deux types de « monuments » seront traités. Les monuments qui ont été conçus comme tels, et ceux qui le sont devenus malgré eux, si on peut dire, à l’instar, par exemple, des paysages ou des équipements industriels qui ont perdu leur valeur d’usage mais qui pourraient gagner en valeur culturelle et mémorielle grâce au processus de patrimonialisation et d’appropriation sociale. Il y a les monuments que la société valorise, glorifie, exploite même, et il y a les monuments qu’on délaisse, qu’on méprise, qu’on abandonne. Le phénomène récent de l’Urbex traduit une forme de résistance à une certaine fatalité de l’oubli frappant les « mémoriaux » qui pourraient l’être, en raison de leur statut de témoignages involontaires de l’histoire, si tant est qu’une attention bienveillante d’alerte était déployée et des moyens mis en œuvre. 

Or, ces mémoriaux « involontaires » sont ceux auxquels la société est la plus attachée, paradoxalement. Françoise Choay, dans son remarquable livre - L’Allégorie du patrimoine (Seuil, 1992-1999) - annonçait que « le monument symbolique érigé ex nihilo aux fins de remémoration n’a pratiquement plus cours dans nos sociétés développées », et que les monuments authentiques, vecteurs d’émotion, étaient eux qui « ne disent pas leur nom », qui « se dissimulent sous des formes insolites minimales et non métaphoriques », qui « rappellent un passé dont le poids, et, le plus souvent, l’horreur interdisent de les confier à la seule mémoire historique ». Justement, un cours a été donné au cours du premier semestre 2021-22 sur le Dôme de Genbaku, à Hiroshima, c’est-à-dire une ruine, inscrit au Patrimoine de l’Humanité, qui symbolise l’un des événements les plus tragiques du 20e siècle.

Dans tous les cas, il y a nécessité de repérer et d’identifier les monuments « en péril », d’organiser un système d’alerte, de documenter les processus de destruction ou de dégradation, d’imaginer des dispositifs techniques de soin et de protection. De la Mission Héliographique de 1851 à la photographie thermique et au numérique, il y a lieu de mobiliser les technologies les plus actuelles pour accomplir le devoir de Patrimoine qui devient un aspect crucial de ce qui constitue l’horizon d’attente des sociétés d’aujourd’hui : le développement durable. De l’UNESCO au Loto du Patrimoine français, en passant par les collectivités publiques, les entreprises et le monde associatif, il faut aussi trouver les moyens pour entretenir la mémoire du monde.

Finalement, ce séminaire introduit à un ensemble de questions heuristiques fondamentales pour ces étudiants qui se destinent aux métiers du Patrimoine : pourquoi se souvient-on ? de quoi se souvient-on ? comment se souvient-ton ? pourquoi, à l’inverse, évite-t-on de se souvenir ? que fait-on pour conserver et sauver les patrimoines qui sont un même défi au temps ? doit-on reconstituer ou laisser la ruine à l’état de ruine, la non-reconstruction volontaire étant elle-même un acte patrimonial, comme par exemple, l’église de Sermaize-les-Bains (Marne), incendiée durant la bataille de la Marne ? est-il sacrilège, pour reprendre le débat qui a eu lieu autour de la restauration de Notre-Dame de Paris, de ne pas reconstituer à l’identique ?