L’Europe de la défense : « une longue histoire qui avance »Un colloque international d’histoire pour saisir les enjeux actuels de l’Europe
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Les 8 et 9 septembre 2022, aux Archives historiques de l'Union européenne, Villa Salviati à Florence, se tiendra la conférence "L'Europe de la défense : une longue histoire qui avance".
Vous trouverez en bas de page le programme détaillé en anglais et en français avec les résumés des interventions.
Le thème de la conférence :
Longtemps, l’idée d’une défense européenne est restée un non-dit, un angle-mort, voire un tabou. On a tendance à oublier que l’Europe d’aujourd’hui est née dans les ruines causées par une guerre terrible qui a entamé autant son identité que sa substance etsa puissance. Les Résistants qui, après le combat contre les idéologies liberticides et agonistiques, avaient osé imaginer une Europe réconciliée sur le fondement de ses valeurs humanistes, avaient érigé la paix et la démocratie comme horizon politique ultime. On dit parfois, avec une forme de dédain, que l’Europe n’est pas la mère de la paix, mais la fille de la paix. Venus aurait rejeté Mars qui l’a libérée définitivement de la guerre.
Les nouveaux rapports de force internationaux apparus à la faveur de la guerre froide ont encouragé ce mouvement de déprise de son destin. Leur effet a été de dispenser l’Europe de penser sa propre défense. La défense de l’Europe serait atlantiste ou ne serait pas. Telle est probablement la source profonde de l’échec de la Communauté européenne de défense en 1954. La volonté secrète de la France, au même moment, de se doter de l’arme nucléaire n’est peut-être pas pour rien dans cet échec qui allait retarder la prise de conscience de l’importance d’une autonomie stratégique de l’Europe dans ce domaine.
La fin de la guerre froide, l’ombre récurrente de la remise en cause de l’OTAN en Europe et l’émergence de nouvelles menaces obligent aujourd’hui les politiques à repenser et à dépasser ce cadre géostratégique. Le slogan de la présidence française de l’Union européenne (premier semestre 2022), « Relance, Puissance, Appartenance », est le signal fort de ce processus d’inversion des priorités géopolitiques. Le fait politique nouveau et décisif est que l’Allemagne s’inscrit dans ce mouvement, comme l’a indiqué le nouveau chancelier Olaf Scholz lors de sa première visite à Paris le 10 décembre 2021, évoquant la nécessité d’une « souveraineté stratégique de l’Europe ». Présenter l’Europe en termes de « souveraineté » assumant l’enjeu de la puissance comme garantie d’indépendance et de liberté a une portée révolutionnaire. Un sujet d’autant plus crucial et fondamental au moment où la Russie envahit l’Ukraine et risque de déstabiliser l’ordre européen issu de la fin de la guerre froide.
Nous assistons au surgissement d’un nouveau paradigme dans les politiques européennes qui marquera peut-être la deuxième phase de la « construction européenne ». L’heure est-elle venue de conjurer enfin le nanisme géopolitique de l’Europe et sa dépendance à l’égard des États-Unis ? Les États-membres de l’UE sont-ils prêts à donner corps et perspective au vœu de « défense commune » introduit par le traité de Maastricht en 1992, au moment même où l’Europe montrait son impuissance face à l’explosion de la Yougoslavie ? Sommes-nous à la veille de franchir une nouvelle étape dans le dépassement de la culture stato-nationale et dans l’affermissement d’une Union qui serait prête à posséder tous les attributs de la puissance ?
De cela, il faut parler, car notre avenir d’Européens en dépend. Mais il faut le penser en l’inscrivant dans la longue durée de l’histoire de l’idée européenne et de sa lente et difficile transformation politique dans un monde en recomposition. L’échec de la CED, analysé à partir de nouvelles sources et problématiques, est une leçon qui doit permettre de mieux situer les enjeux et d’éclairer les décideurs comme les opinions. Comme l’a dit le commissaire européen Thierry Breton en 2021, l’Europe de la défense est « une longue histoire qui avance ». Tel est l’objet de ce colloque, dont les actes seront publiés par la revue du Centre international de formation européenne : L’Europe en formation. Pr Robert Belot, Pr Daniela Preda
For a long time, the idea of a European defense has remained unspoken, a blind spot, even a taboo. We tend to forget that today's Europe was born from the ruins caused by a terrible war that has affected its identity as much as its substance and power. The Resistance fighters who, after the fight against liberticidal and agonistic ideologies, had dared to imagine a Europe reconciled on the basis of its humanistic values, had erected peace and democracy as the ultimate political horizon. It is sometimes said, with a certain disdain, that Europe is not the mother of peace, but the daughter of peace. Venus is said to have rejected Mars, which freed it from war once and for all.
The new international balance of power that emerged during the Cold War encouraged this movement of disregard for its destiny. Their effect has been to dispense Europe from thinking about its own defense. Europe's defense would either be Atlanticist or it would not be. This is probably the deep source of the failure of the European Defense Community in 1954. France's secret desire, at the same time, to acquire nuclear weapons may have had something to do with this failure, which delayed the realization of the importance of Europe's strategic autonomy in this field.
The end of the Cold War, the recurrent shadow of the questioning of NATO in Europe and the emergence of new threats are forcing politicians to rethink and go beyond this geostrategic framework. The slogan of the French presidency of the European Union (first half of 2022), "Relaunch, Power, Belonging," is a strong signal of this process of reversal of geopolitical priorities. The new and decisive political fact is that Germany is part of this movement, as the new Chancellor Olaf Scholz indicated during his first visit to Paris on December 10, 2021, evoking the need for a "strategic sovereignty of Europe. Presenting Europe in terms of "sovereignty", assuming the challenge of power as a guarantee of independence and freedom, has a revolutionary scope. A subject that is all the more crucial and fundamental at a time when Russia is invading Ukraine and risks destabilizing the European order that emerged at the end of the Cold War.
We are witnessing the emergence of a new paradigm in European politics that will perhaps mark the second phase of "European construction". Has the time come to finally overcome Europe's geopolitical dwarfism and its dependence on the United States? Are the EU Member States ready to give substance and perspective to the wish for a "common defense" introduced by the Maastricht Treaty in 1992, at the very moment when Europe was showing its impotence in the face of the explosion of Yugoslavia? Are we on the verge of a new stage in the overcoming of the state-national culture and in the strengthening of a Union that would be ready to possess all the attributes of power?
We must talk about this, because our future as Europeans depends on it. We must think about it in the long history of the European idea and its slow and difficult political transformation in a world in transition. The failure of the EDC, analyzed from new sources and issues, is a lesson that should allow us to better situate what is at stake and to enlighten decision-makers as well as public opinion. As the European Commissioner Thierry Breton said in 2021, European defense is "a long story that is moving forward”. This is the purpose of this colloquium, the proceedings of which will be published by the journal of the International Centre for European Training: Europe in Formation: Professor Robert Belot, Professor Daniela Preda.
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